LES FEMMES À L’HONNEUR DU CINÉMA LATINO
Les 36es Rencontres du cinéma latino-américain se tiendront du 20 au 26 mars au cinéma Jean-Eustache de Pessac. L’occasion de mettre en avant les combats des femmes
TEXTE : JEAN-BERTHELOT DE LA GLÉTAIS PHOTO : MAGALI MARICOT
Et si l’avenir du féminisme passait aussi par l’Amérique latine ? Cette question, beaucoup d’observateurs se la posent depuis des décennies, au regard de l’activisme de certaines femmes dans cette partie du monde. C’est pour faire entendre leurs voix, comprendre leurs engagements, leurs combats, leurs parcours, que l’association France Amérique latine 33 (FAL 33) leur consacre ses 36es Rencontres du cinéma, qui se tiendront du 20 au 26 mars au cinéma Jean-Eustache à Pessac. « Les femmes et leurs luttes en Amérique-latine »- c’est le nom de la thématique cette année – rendra hommage « à la fois aux femmes en lutte et à celles qui osent passer derrière la caméra » résumé Gloria Verges, présidente de l’association. « Depuis une vingtaine d’années, elles s’emparent du cinéma, qui était jusque-là presque exclusivement aux hommes, et s’attaquent notamment à la fiction. Il y a évidemment en cela un enjeu de pouvoir, qui fait écho aux mouvements des droits des femmes qui sont de plus en plus importants en Amérique latine. Leur représentation, leur place en politique ont beaucoup évolué. En Bolivie, par exemple, 52% des parlementaires sont des femmes, ce qui est le fruit d’une politique très volontariste » détaille Gloria Verges.
« CES COMBATS RÉSONNENT »
Conséquence aussi, d’un activisme que les femmes paient cher, en étant souvent parmi les plus réprimées, et voyant leurs droits toujours bafoués. »Il y a par exemple encore très peu de pays où l’avortement est légal, même en cas de viol ou de danger pour la mère » rappelle la président de FAL 33. Un paradoxe, alors même que des pays comme le Chili ‘Michelle Bachelet), le Brésil (Dilma Rousseff) ou encore le Costa Rica (Laura Chinchilla) ont été dirigés par une femme sur la seule dernière décennie. « C’est pour tenter de comprendre ce paradoxe, mais aussi pour aborder bien d’autres sujets, que nous proposons ces rencontres », poursuit la présidente de FAL 33. « Ces combats résonnent car ils sont, au fond, les mêmes que ceux des femmes en Europe.
UN HOMMAGE « AUX FEMMES EN LUTTE ET À CELLES QUI OSENT PASSER DERRIÈRE LA CAMÉRA ».
Par exemple, la lutte politique contre une mondialisation qui fait que l’on ramène les femmes à des objets de consommation est l’un des thèmes abordés par les films que nous présentons. » Parmi ceux-là, signalons Los Adioses, de la réalisatrice mexicaine Natalia Beristáin Egurrola, biopic de sa compatriote, la romancière et poétesse Rosario Castellanos, évoquant notamment son combat pour la cause des femmes. Migas de Pan, de l’Uruguayenne Manane Rodríguez, rappelle la place des femmes dans la lutte armée. Sexe, Pregações e Politica, des Français Aude Chevalier-Beaumel et Michael Gimenez, s’intéresse aux droits des femmes au Brésil.
UNE ASSOCIATION SUR TOUS LES FRONTS
Manane Rodriguez fait d’ailleurs partie des invités qui viendront rencontrer le public, de même que Denir Sosa, du Mouvement des sans-terre au Brésil, ou Maurice Lemoine, ancien rédacteur en chef du « Monde diplomatique » dont le livre sur le Venezuela vient de paraître. Les réalisatrices, Héloïse Prévost, qui s’est intéressée aux femmes des zones rurales au Brésil, et la Brésilienne Flávia Castro, dont le père a disparu durant la dictature et qui s’est réfugiée en France, avec sa mère, seront également présentes. À chaque fois, seront abordés des thèmes très forts, très politiques, en écho à la création et aux combats portés par FAL 33. « Au plan national, l’association existe depuis 1971. Dix ans après, le comité locale s’est créé sous l’impulsion notamment de réfugiés politiques chiliens, uruguayens ou argentins » se souvient Gloria Verges. « Deux après, les Rencontres voyaient le jour, non seulement parce que l’association comptait beaucoup d’amoureux du cinéma, mais aussi parce qu’ils voulaient donner une autre image que celles, un peu misérabiliste qu’on en avait à l’époque. Même si, bien évidemment, c’était aussi l’occasion de dénoncer les violations des droits de l’homme dans ces pays… » Près de quatre décennies plus tard, l’association poursuit sa mission par le biais du cinéma, mais elle est aussi présente dans beaucoup d’autres domaines : écotourisme à Cuba, défense des famille de victimes d’exécutions extrajudiciaires en Colombie, école de théâtre et production bio au Venezuela, FAL 33 déploie également un projet pédagogique en France. Chaque année, entre 2 000 et 3 000 élèves sont ainsi associés aux festivals, rencontrant les réalisateurs, travaillant sur les films etc. Un front de plus pour une association en lutte sur bien des terrains, dont les Rencontres du cinéma sont une fenêtre précieuse…