Gigantes
Natalia Cano | Argentine | 84' | 2020
GIGANTES revisite le voyage du comte Henry de La Vaulx en Patagonie, qui, lors de son expédition, a déniché le fils du cacique Liempichun et l’a emmené en France. Aujourd’hui, la communauté de Liempichun réclame la restitution des restes de l’ancêtre, rejoignant ainsi de nombreuses autres revendications qui mettent en défaut les musées européens. GIGANTES met en évidence le colonialisme culturel en racontant cette histoire depuis le présent.
Projection le vendredi 18 mars à 20h45 en présence de la réalisatrice Natalia Cano et le mardi 22 mars à 14h
La réalisatrice
Natalia Cano
Pour aller plus loin...
C’est au musée de l’homme que se trouvent les « trésors » que l’explorateur Henry de la Vaulx a ramenés de son voyage en Patagonie en 1896. Les exhumations qu’il a réalisées sur leur territoire ont laissé des traces indélébiles pour le peuple mapuche tehuelche, ; depuis des années ceux-ci luttent pour la restitution des restes de leurs ancêtres, des patagons géants, qui font aujourd’hui partie de la collection anthropologique et historique que la France refuse de restituer.
Par V. Constanza Ruiz
Quand Natalia Cano a quitté Buenos Aires pour s’installer en Patagonie, après avoir étudié la réalisation cinématographique, elle n’avait encore jamais éprouvé le besoin de réaliser un film ni de raconter elle même des histoires. Elle a commencé par étudier l’histoire de la région et faire la connaissance des peuples originaires ; ils lui ont raconté comment s’était réellement passée la conquête du désert, et c’était pour elle une découverte.
Ils lui ont expliqué comment autrefois, la cordillère était un lieu de rencontres, des familles avaient des terrains des deux côtés de la cordillère, ils se protégeaient des attaques de l’armée en passant entre Wallmapu et Puelmapu. C’est à partir de cette histoire qu’elle a réalisé son premier film « cachés à l’ouest du Pichi Leufu » (2011) qui raconte au travers des voix de ses habitants comment ils se sont installés dans les régions de Pichi Leufu, Villa Llanquin et Arroyo Chacay.
En 2015 le Musée de la Plata a restitué les restes de Margarita Foyel, qui a été faite prisonnière par l’armée en guise de représailles contre les peuples originaires. C’est donc 130 ans après sa mort que ses restes ont été enterrés dans sa communauté mapuche « Las Huaytekas ». Natalia a assisté à cet événement avec d’autres communautés. C’est à cette occasion qu’elle a fait la connaissance de Cristina Liempichun, qui lui a expliqué que sa communauté (Sakamata Liempichun) avait également fait une demande de restitution auprès du Musée de l‘Homme en France. Son intérêt pour le sujet l’a conduite à parler au Lonko de la communauté dans la localité de Alto Rio Senguer et c’est ainsi qu’est né le projet de « Gigantes ».
Natalia a lu les écrits du Voyage à la Patagonie de Henry de la Vaulx ; ce document historique lui a permis de comprendre la façon dont cet explorateur, protégé par le contexte historique, détaille sa façon d’agir : après avoir gagné la confiance des peuples originaires, il a écouté le récit du fils du cacique Liempichun, qui était connu dans sa communauté comme étant un géant. Peu de temps après sa mort il décide de l’exhumer et emporte 14 squelettes complets, des centaines de crânes, des objets en argent, en cuir peints, entre autres choses, qui se trouvent actuellement en France sans espoir d’être rendus à leur communauté.
« Ce qui m’a beaucoup aidé pour la réalisation de ce film a été de comprendre comment les exhumations réalisées par cet homme ont laissé sur le territoire des traces difficiles à effacer, parce que d’une certaine manière le territoire représente la carte où s’inscrit la culture, la vie du peuple mapuche Tehuelche, et le fait qu’il ait laissé ces vides sont des étapes importantes dans l’histoire ». Pour des raisons personnelles Natalia est allée vivre un temps en France ce qui lui a permis, entre les voyages aller retour à Alto Rio Senguer, les messages et les demandes de restitution dont on l’a chargée, de, selon ses propres mots « puiser la force de réaliser un film en consacrant des années à un même thème ».
C’est ainsi qu’elle a réalisé cette histoire, « Gigantes » qui sera présentée en avant-première dans notre Festival International BioBioCine dans le cadre de notre cycle « cinéma pour résister ». Le fait de vivre en Patagonie, de connaître le peuple mapuche et d’échanger avec lui, permet de « se rendre compte que l’Amérique porte en elle la solution à tous les problèmes de cette civilisation capitaliste occidentale qui ne fonctionne pas et nous conduit là où nous ne voulons pas aller. Je ne fais pas seulement allusion à l’idée de vivre en zone rurale, mais à une alternative à l’idée de progrès lié à l’extractivisme et à la transformation de l’environnement, ce qui inquiète tant le monde moderne ». Pour Natalia, se concevoir comme un tout avec la nature, se donner la chance de vivre comme des américains, comme les peuples d’Amérique l’ont fait et continuent de le faire est une idée puissante et salvatrice.
Source : https://biobiocine.com/restitucion-de-los-patagones-gigantes-pelicula-dirigida-por-natalia-cano/