



Durien Wagua
Panama
70 min
2023
Synopsis
Le colonialisme a anéanti de nombreuses cultures d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, mais pas les Gunadules, peuple indigène du nord du Panama. En 1925, ils ont résisté avec succès à la répression du gouvernement panaméen. En trois jours de combat, ils ont gagné leur autonomie et ont ainsi sauvé leur mode de vie. Connue sous le nom de « Révolution Dule », cette glorieuse bataille est commémorée chaque année par une reconstitution impliquant des centaines de participant·es, dont de nombreux enfants. Bila Burba revient, avec les descendant·es des révolutionnaires, sur les raisons du soulèvement et le déroulement des événements.
Trailer
samedi 22 mars à 19h30
samedi 22 mars à 19h30
Réalisateur
Duiren Wagua est un réalisateur, cinéaste et producteur audiovisuel indigène de la nation Gunadule du Panama. Fort de neuf années d’expérience dans le domaine de l’art cinématographique panaméen, il a collaboré à de nombreuses productions cinématographiques et télévisuelles nationales et internationales, tournées notamment sur le territoire Gunayala, dans la ville de Panama, ainsi qu’en Espagne, France, Danemark, Pays-Bas et Norvège.
Cofondateur de WAGUA FILMS S.A., une entreprise audiovisuelle qui propose des services de production et de conseil aux producteurs cherchant à filmer dans les territoires des peuples indigènes du Panama, il a dirigé, produit et assuré la direction de la photographie des courts-métrages Djaba Wera (2019) et Ibegwa (2022).
Cette année sera diffusé au festival Bila Burba (long-métrage, 2023), son tout premier long-métrage.
Pour aller plus loin
Bila Burba
Durien Wagua, directeur du long-métrage Bila Burba nous partage les motivations et les détails concernant le processus de production du film, qui dans la dernière version du IFF Panama, a remporté le Prix du public.
J’ai connu Durien Wagua il y a 10 ans, dans les montagnes de Coclé. Je me souviens l’avoir vu prendre une guitare basse sous un arbre – Etait-ce dans la grande cour intérieure de Don Cayetano ? Portant avec lui un équipement cinématographique quelconque, un peu affaibli par la chaleur et discutant avec René Martínez…
C’était en janvier 2014. René, Duiren et Orgun Wagua étaient en train de filmer le documentaire Héroe Transparente (qui se trouve sur Youtube), sur la vie de Victoriano Lorenzo. René disait à Duiren, il insistait auprès de lui, avec son franc parler bon enfant : « Ce gosse doit se dédier au cinéma ! ». Duiren l’écoutait sans grande conviction. Qui l’aurait cru. 10 ans déjà.
René est mort ce même jour, ou le suivant, ou après. C’est arrivé à Campo Trinchera. C’était un jour triste, très dur, mais d’une telle rencontre sont restés les amis : les frères Wagua, José Rommel, la grande Maricarmen Castillo. Et si je raconte tout ça c’est parce qu’il y a quelques semaines, j’ai su que Bila Burba, le premier long métrage de Duiren, avait gagné le Prix du public Copa Airlines au Festival International du Cinéma de Panama. Ma réaction a été de sourire. Sourire en me rappelant le sourire de de René le jour où, sous l’ombre d’un arbre, il a dit à Duiren qu’il devait être cinéaste.
Raconte-moi : Pourquoi faire un film sur la Révolution Dule ? A un an de ses cent ans, penses-tu que la date reste toujours importante pour les Gunas ?
C’était par besoin de raconter l’histoire de ma nation gunadule, une histoire qu’ils ont refusé de raconter dans les écoles panaméennes. S’ils le font, c’est à travers cinq lignes, sans approfondir. Mais aussi (je voulais le faire) car les historiens ont voulu discréditer le grand travail d’organisation qu’ont effectué les grand-pères et grand-mères dans le but de mener à bien une rébellion contre l’État. Pour les historiens créoles, la Révolution fut à peine « quelques indiens rebelles qui ont été incités par un ricain » mais pour nous, c’était une façon de nous faire reconnaître comme peuple qui a ses propres sentiments et qui a été guidé par l’histoire de la lutte de nos ancêtres.
A un an de son centenaire, il est très important de se souvenir des faits et de la mission que nous avons pour que les prochaines générations connaissent leur origine.
Combien de temps a pris tout le projet et quelle a été la partie la plus compliquée du processus ? Tu avais une idée claire de ce que tu voulais dès le début ?
Depuis le début, j’avais en tête de filmer au sein de plusieurs communauté où se sont déroulés les événements qui menèrent à la Révolution et je voulais le raconter depuis la mémoire historique des familles qui ont vécu ces évènements. Nous avons filmé au Narganá (Yandub), Aggwanusadub, Dadnaggwed Dubbir, Ailigandi et Usdub. L’idée était de raconter leur vérité, sans prétention et sans juger leur version de l’histoire, pour constituer un fil directeur à partir de plusieurs voix. Cela m’a pris cinq ans pour le finaliser, et pendant ce temps nous avons profité des mois de février ou d’un voyage dans la région pour filmer et enregistrer des sons de l’environnement des communautés.
C’est ton premier long-métrage. Quel a été ton principal défi ?
Oui, c’est mon premier long-métrage et le grand défi c’était l’édition, afin de maintenir le fil historique. Je dis toujours que Bila Burba à été ma remise de diplôme en tant que directeur, car c’était un grand défi, tant pour l’effort physique que pour l’aspect psychologique. Il y avait des jours où je ne voyais pas la fin, mais le soutient de mon frère Orgun dans l’édition a été primordial. Il proposait des choses auxquelles parfois je ne pensais pas et qui ont complété ce fil historique.
Quel est le principal apport de Bila Burba dans le contexte panaméen selon toi ?
Le principal apport est pour l’éducation panaméenne. Depuis que je produis Bila Burba je ne cesse d’écouter des gens me dire : « On ne m’a jamais raconté ça à l’école ». Et c’est triste d’entendre ça car, au lieu de nous donner des cours sur des faits historiques qui se sont déroulés au Panama, ils nous racontent d’autres histoires ; sûrement pour nous maintenir ignorants de notre propre réalité et de comment ces événements du passé prennent sens dans l’actualité mais dans des scénarios différents, comme par exemple les protestations contre le contrat minier, au cours desquelles tout le pays a défendu ses droits.
Qui ont été tes complices sur ce projet ? Je pose la question en pensant à ce que tu nous a raconté il y a peu, quand tu as mentionné que ton court-métrage « Ibegwa » contenait des poésies et des chansons de grands maîtres Gunas, Il y’a quelque chose de similaire dans Bila Burba ?
Dans les images d’archives présentes dans le film, la création sonore, la musique, la couleur, l’art du poster, le montage… Dans tout cela, mes amis étaient présents d’une façon totalement désintéressée, ils m’apportaient leur soutien. Je dis toujours que c’était un manière collective de travailler parce que derrière il y avait beaucoup de gens qui nous donnaient leur point de vue sur comment avancer. Sans eux ni elles, je crois que nous serions toujours en train d’éditer.
Quel est ton plan comme cinéaste pour la prochaine commémoration de la Révolution ?
Nous sommes déjà en train de nous organiser pour amener le film aux différentes communautés de la région Gunayala, et donner des ateliers de cinéma dans les communautés qui seront visitées pour ouvrir un dialogue sur les réalités présentes dans les territoires.
Que peux-tu nous dire sur la façon dont vivent aujourd’hui les Gunas par rapport aux conditions dans lesquelles ils vivaient en 1925 ? Je veux dire est-ce qu’il y a des problèmes ou des situations qui perdurent ou qui s’assimilent à celles vécues il y a presque 100 ans ?
Depuis plusieurs années, il y a une lutte pour réintégrer les terre collectives qui ont été spoliées aux communautés après la création de l’État panaméen en 1903. C’est le cas de Nurdargana (région frontalière entre Gunayala et le district de Santa Isabel, dans la province de Colón), et où a eu lieu la vente de terres qui ont été réclamées comme une partie de Gunayala par différents dirigeants. Ce cas est actuellement traité par la Commission Interaméricaine des Droits Humains.
J’ai su que le film à déjà été projeté à Amsterdam. Maintenant au Panama. Quelle est la prochaine destination ?
Le film sera diffusé dans plusieurs festivals internationaux ; bientôt nous partagerons les informations. Nous faisons la route des festivals cette année pour ensuite revenir au Panama et voir s’il est possible que le film soit diffusé dans les écoles. Cela est primordial.
Quel nouveau projet à Duiren Wagua et Wagua Films entre ses mains ?
Nous travaillons sur notre long-métrage documentaire, Dilemas, qui traite de la cuisine Dule et le rôle des cuisiniers Dule dans l’histoire panaméenne. Nous l’avons écrit durant la période de la pandémie et pendant que nous éditions Bila Burba. Cette année nous réécrivons, après avoir participé à des ateliers d’écriture pour améliorer le projet, et prochainement nous irons chercher du soutien pour les recherches que nous souhaitons mener cette année.
Source : Bila Burba, la historia de la ‘Revolución Dule’, La Estrella
https://www.laestrella.com.pa/vida-y-cultura/bila-burba-la-historia-de-la-revolucion-guna-IF7304183
Au Panama, il y a beaucoup d’histoires qui sont méconnues. Quand nous parlons de la Révolution Dule, les livres d’histoire des écoles manquent d’information, il n’y a pas plus que quelques lignes qui en font mention. Cette histoire est l’une des plus importantes pour les Gunas et elle est maintenue majoritairement par la narration de bouche à oreille, et à travers les représentations artistiques qui se font au sein de ces peuples.
« Bila Burba » est un des films les plus importants que présente le IFF Panama cette année, accompagné d’autres productions panaméennes comme “Tumbadores”, “Brown” y/o “Las Hijas”.
Ce documentaire est la première œuvre de Duiren Wagua, sous la production de Diego Madias et Johaddy Ramirez. Le Directeur a de nombreuses années de travail dans l’industrie cinématographique, dans d’autres rôles et à travers des courts-métrages. Mais le plus important est que Wagua est l’une des personnes qui amène l’art du cinéma à la communauté Guna, en faisant un travail important pour que ces communautés autochtones racontent leurs propres histoires à travers ce média.
« Bila Burba » raconte à travers des entretiens l’histoire de la Révolution Dule. La façon dont le peuple maintenant connu comme Guna a été ignoré et abusé au cours des premières années de l’indépendance du Panama et comment ils ont décidé de lutter à travers la révolution pour que leurs terres et leurs coutumes soit respectées, et pour que ce peuple se maintienne debout et ne disparaisse pas.
Dans le documentaire, l’histoire se tisse à travers des entretiens filmés avec des procédés différents et du matériel d’archive, mais aussi via la représentation de la révolution et des batailles dans la villes recrées par les enfants et les hommes adultes au sein de la communauté. Un entretien en particulier a beaucoup attiré mon attention. Un vieil homme est entouré de personnes qui lui demandant de raconter l’histoire de la révolution. Lui, avec une grande ferveur, leur raconte durant tout le long métrage, avec des noms et détails, les personnes avec lesquels il s’est battu. C’est un moment plein d’amour et de respect pour les personnes qui veulent l’écouter parler et de cette même façon, la salle de cinéma reste dans un profond silence, écoutant avec attention cette histoire.
Ce documentaire défile et le sentiment de pouvoir et de fierté se ressent dans la salle. Le peuple Dule s’unit et narre les abus de la police contre eux. Ils racontent l’histoire du drapeau et leur ressenti vis-à-vis des étrangers. Mais une chose m’a profondément touché au cœur. Dans l’un des témoignages, on raconte une histoire à travers une phrase qui résume de façon parfaite l’union et la fraternité de la communauté : « Une maison ne peut-être construite par une seule personne, la planche de bois central de notre maison ne peut se lever seule ». Cette phrase résonne car c’est par l’union du peuple que cette révolution a pu se mener. Ce ne sont pas seulement des groupes de personnes au sein d’une communauté éloignée. Ce sont des familles, ce sont les peuples autochtones qui se trouvaient dans ces terres bien avant la Conquête. Leur force et leur pouvoir proviennent de l’unité, cette même unité qui a permis de continuer de raconter leurs histoires de génération en génération.
Le travail technique de ce documentaire est impeccable. Bien que ce soit une œuvre réalisée via une multitudes de caméras différentes, la post-production en couleur permet de maintenir une harmonie exceptionnelle de séquences en séquences, arrivant au moment où les imperfections se reflétant sur la qualité d’une caméra à une autre donnent l’impression que l’œuvre prend vie. Cela se renforce avec les photographies d’archives qui possèdent les mêmes qualités, de photos magnifiquement constituées aux images qui cassent l’abstrait grâce aux mouvements et aux changements de focus, mais placées de telle manière qu’elles appuient la narration.
La bande-son est un autre des éléments qui permet de vivre cette histoire. On remarque la présence de notes d’instruments à vents, que je ne saurais identifier, mais qui résonnent de sorte à créer une tension dans tout notre corps, accompagnés de coups de tambours en rythme avec les danses et l’exagération du mouvement. Pour résumer, regarder ce documentaire est presque comme vivre une expérience 4D, tant la narration est vivante.
«Bila Burba» est sans aucun doute une de ces œuvres qui porte une importance immense à la culture du pays et d’autant plus à la culture Guna. C’est un documentaire dont la finalité n’est pas seulement d’être diffusé dans les festivals ou sur grand écran, mais également dans les communautés autochtones ou dans les écoles, où ces histoires reviendront à la vie pour les nouvelles générations.
Le travail que réalise Wagua es important. Je vois ce directeur comme un phare pour le ciné Dule et je ne peux qu’imaginer qu’il continuera d’amener ces histoires à la vie, ses histoires, celles de son peuple qui inspire à la fois d’autres peuples à suivre son exemple.
Si vous avez l’opportunité d’aller voir ce documentaire dans le futur, peu importe l’endroit, faites le. Je ne suis pas le seul à le dire, il y a également tous ceux qui ont voté pour que «Bila Burba» obtienne le Prix du Public de l’IFF Panama.
Continuons de faire grandir le cinéma panaméen.
Source : Crítica panameña : « Bila Burba » Una casa no puede ser construida por una sola persona, Sala Ocho