El cielo está rojo
Francina CARBONELL | Chili | 77' | 2020
Nous sommes en 2010, au Chili, dans la ville de San Miguel et le ciel est rouge car la prison est en feu. A travers un montage courageux et jamais sensationnaliste, la réalisatrice nous plonge dans l’enquête sur la plus grande catastrophe du système carcéral chilien en nous montrant des images poignantes qui démontrent les dérives de la privatisation des prisons, un phénomène universel à questionner. Des conditions de vie quotidiennes des détenus au manque de formation du personnel, El cielo está rojo dessine le portrait rouge feu de mécanismes globaux dysfonctionnels. Une occasion unique d’accéder aux images de l’enquête judiciaire autour de cette tragédie qui se construit, devant nos yeux et dans nos oreilles, grâce à cet objet filmique pertinent, approfondi et honnête.
Projection dimanche 26 mars à 14h et lundi 27 mars à 17h
La réalisatrice
Francina CARBONELL
Francina Carbonell (27) cinéaste diplômée du département cinéma et télévision de l’Université du Chili, a réalisé les courts-métrages “Después de la Cordillera”, “La Herencia” et “Tinnitus”, qui ont participé à des festivals nationaux. Elle est la réalisatrice de “El cielo está rojo”, un documentaire primé sur l’incendie de la prison de San Miguel.
Pour aller plus loin...
Par Esteban Andaur
Les images du documentaire El cielo está rojo (2020) de Francina Carbonell, titre qui évoque la luminosité d’un feu lorsqu’il est confondu avec le ciel, sont vraies : elles consistent, pour la plupart, en fichiers audiovisuels extraits du dossier judiciaire de l’incendie de la prison de San Miguel, survenu aux premières heures du 8 décembre 2010, où 81 détenus sont morts brûlés ou asphyxiés. Avec une approche empathique et attachée aux faits, elle dure 74 minutes rigoureusement et est dédiée à la mémoire des victimes décédées et de leurs familles.
Le montage narratif, de Carbonell, Christopher Murray et Andrea Chignoli, rend accessible la pire tragédie carcérale de l’histoire du Chili, mais n’atténue pas l’horreur. Comme les registres utilisés proviennent de sources diverses, ils créent un collage de textures disparates où le chaos et l’impuissance sont constants.
Le film soutient de manière très transparente qu’il s’agissait d’un crime. Les images des caméras de surveillance montrent des nuages sombres de fumée, qui se développent pour cacher les murs extérieurs de la prison et occupent ensuite tout l’écran. Puis nous avons entendu un appel téléphonique d’un gendarme aux pompiers, les avertissant de l’incendie. Comment ont-ils pu mettre autant de temps à réagir?
Les témoignages sélectionnés sont catégoriques. L’un des proches des victimes raconte en voix off que les gendarmes ont profité de l’exécution des détenus avec la mort. Il est difficile de ne pas le trouver juste.
La rhétorique est dans la conception sonore. Dans une autre scène, nous voyons la police se préparer à aller contenir l’accident, mais nous entendons des gens gribouiller ceux qui étaient sur place et n’ont rien fait. Bien que la réalisatrice formule ici une opinion personnelle, elle donne également à ceux qui ont souffert ce jour-là une occasion certaine de faire valider leur douleur par le public.
En plus d’être choquant sans encourir de sensationnalisme, El cielo está rojo parvient à capter une indignation très présente dans notre société depuis deux ans, laissant plusieurs questions en l’air. Dans quelle mesure le système peut-il enlever la dignité d’une personne? Le seul produit possible du sadisme de pouvoir est-il ? Pourquoi tout échoue-t-il au Chili quand on est pauvre ?
Le documentaire, qui fait partie du 36e Festival international du film de Mar del Plata, a pour sujet les événements qui se sont produits aux premières heures du 8 décembre 2010 dans la prison de San Miguel, au Chili, où 81 condamnés ont été laissés pour mort à cause d’un incendie causé par un différend entre deux parties rivales. Après de longues enquêtes et un procès de neuf mois, la justice chilienne a décidé d’acquitter et de dégager de toute responsabilité les coupables de cet abandon.
Francina Carbonell avec son documentaire donne au public un accès complet aux dossiers du dossier judiciaire et montre du matériel jamais vu auparavant puisqu’à cette époque, la presse n’a reçu qu’une partie des enregistrements de l’incident, c’est-à-dire que les informations diffusées jusqu’à présent étaient incomplètes.
« El cielo está rojo » est un collage audiovisuel intéressant qui reconstitue le petit matin du 8 décembre à travers des photos de rapports d’experts, des témoignages de survivants, des caméras de sécurité de la prison, des appels téléphoniques, des vidéos de voisins de l’endroit et aussi à travers une reconstitution de scènes qui aident à tirer une conclusion sur si le verdict de justice, du pays voisin, c’était le bon ou s’il aurait dû être contraire.
La réalisatrice et scénariste n’était pas la seule responsable de l’excellent travail de montage effectué dans ce film, car Christopher Murray et Andrea Chignoli ont également participé, et ont réussi à obtenir, comme résultat final, un travail digne avec des preuves de qualité où l’existence d’une violation des droits de l’homme est clairement reflétée et expose les problèmes de surpopulation qui sont vécus dans le système carcéral.
Ce qui a commencé comme un projet de thèse pour la carrière cinématographique de l’autrice a fini par être un chef-d’œuvre où le feu est le fil conducteur de cette chronique qui justifie le message de l’existence de deux justices, l’une pour les riches et l’autre pour ceux qui ne sont jamais reconnus coupables de leurs injustices. Le film a obtenu une nomination pour le Signis Documentary Feature Film Award, Cinélatino Rencontres de Toulouse, France, 2021 et participe actuellement à la compétition latino-américaine du 36e Festival international du film de Mar del Plata.