Bajo fuego
Sjoerd Van Grootheest | Colombie | 85' | 2020
Bien que la paix ait été signée en Colombie, la guerre continue. Bajo Fuego est le portrait d’un groupe de cultivateurs de coca qui survivent au milieu des obstacles les plus difficiles : un gouvernement qui tarde à tenir ses promesses, des menaces de mort de la part de nouveaux acteurs armés, et d’énormes difficultés économiques qui mettent en péril des familles entières.
Alors que les “cocaleros” (producteurs de coca) cherchent la paix sur leur territoire, la guerre réapparaît et se traduit à nouveau par de la répression, et des vies menacées.
"Una película que nos habla la dura vida de los 'cocaleros' y de cómo sobreviven en medio de las circunstancias más dificiles"
"Un film qui nous raconte la dure vie des "cocaleros" et comment ils survivent dans les circonstances les plus difficiles".
Le réalisateur
Sjoerd Van Groothest
Sjoerd van Groothest est diplômé en anthropologie avec une spécialisation en ethnographie visuelle. Il est actuellement producteur et réalisateur indépendant de documentaires en Colombie. Il a travaillé comme directeur vidéo aux Pays-Bas et a produit un grand nombre de courts métrages documentaires et vidéos pédagogiques.
Invité lors de la soirée du mercredi 7 avril
Luis Antonio Ramírez Zuluaga
Luis Antonio Ramírez Zuluaga est enseignant-chercheur à l'Institut d'études régionales de l'Université d'Antioquia (Medellín-Colombie) où il coordonne le groupe de recherche Culture, violence et territoire. Il mène actuellement des recherches sur les questions liées à la transition politique, telles que les processus de réparation pour les victimes des conflits armés et les reconfigurations territoriales liées aux scénarios de consolidation de la paix et/ou de recyclage de la guerre.
Pour aller plus loin...
Nouvelles importantes
Lors de la septième édition du Festival du film pour les droits de l’homme, dans la catégorie « long-métrage documentaire national », Bajo Fuego a remporté le prix du meilleur documentaire, suite à une décision unanime du jury.
Une histoire qui raconte les intentions de paix des paysans dans le département du Cauca après la signature de l’Accord de paix et, le lien avec le programme de substitution des cultures illicites. Ce film nous montre les difficultés que les paysans ont à vivre dans un contexte où la guerre continue de sévir. Bajo Fuego, dirigé par Irene Vélez et Sjoerd Van Grootheest, est un témoignage de la façon dont les communautés font face à un carrefour où le gouvernement tarde à tenir ses promesses, l’économie familiale est en crise avec la substitution de la coca, l’Etat réprime la mobilisation et les personnes sont menacées de mort par de nouveaux acteurs armés.
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La pièce audiovisuelle, par décision unanime, a été reconnue comme meilleur documentaire. Selon les mots du jury : « celui-ci présente la ténacité, la conviction et la ferme volonté des cultivateurs de continuer à lutter pour leurs droits, malgré les menaces qui pèsent sur leur vie, le non-respect du gouvernement et l’incertitude que génèrent les groupes armés qui tentent de s’emparer des terres. Nous considérons qu’il s’agit d’un film urgent qui aide à comprendre la situation désespérée des leaders sociaux dans les zones rurales de la Colombie ».
Le documentaire raconte les illusions de Briceida et Leider, un couple de paysans qui voient un espoir dans la signature de l’Accord de paix, mais qui au bout d’un an ne voient aucune garantie face à la réalisation de ce qui a été convenu. L’histoire de Wildermar est celle d’un jeune coordinateur de la Guardia Campesina. Il cherche à renforcer le contrôle territorial et à faciliter l’accès des paysans à une Hacienda de propriétaires terriens de la zone. Cependant, les menaces qu’il reçoit de la part de groupes armés, ainsi que l’assassinat de l’un de ses amis de la garde, le poussent à abandonner son rôle. Enfin, Gustavo, leader de l’organisation sociale paysanne, est porte-parole de l’expérience de vivre un enlèvement et de considérer l’exil comme la seule alternative pour survivre.
Selon Irene Vélez, pour El Pais, de Cali, « le documentaire a été tourné pendant trois ans dans les municipalités de Corinto et Miranda. Nous y avons passé trois ans à accompagner quatre familles paysannes, quatre noyaux narratifs, qui nous ont permis de nous approcher d’une courbe de grande illusion. Puis vint l’attente, accompagnée des frustrations qu’apporta le processus, et la résurgence de la violence dans le territoire ». À cela s’ajoute ce que Vélez a affirmé à Vérité Ouverte, quand on lui a demandé à propos de l’attente qu’il a avec le documentaire : « Il est très important pour nous qu’il ait de la visibilité ici dans le pays, qu’il permette que ce sujet si difficile pour les communautés soit dialogué, placé à un autre niveau de l’opinion publique. C’est notre premier objectif. Et ensuite, nous voulons faire une tournée de plusieurs festivals internationaux, en particulier ceux qui concernent les droits de l’homme ».
Le pays n’est toujours pas sûr du nombre total de victimes de crimes d’État. Les données varient : au moins 6 402 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires dans tout le pays entre 2002 et 2008, comme l’a récemment reconnu la Justice spéciale pour la paix (JEP), un crime d’État sans exemple similaire dans le monde ; 83 000 personnes disparues de force, selon les rapports de diverses institutions de l’État, d’organisations de défense des droits de l’homme et de proches. Un crime d’État qui dépasse de plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes disparues dans le Cône Sud ; 6 433 115 personnes déplacées de force, un chiffre qui place la Colombie, après la Syrie, comme le deuxième pays au monde ayant le plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ; 1. 834 cas de torture entre 2001 et 2009 ; 6 590 personnes détenues arbitrairement entre 2002 et 2004 de manière massive et irrégulière, selon les chiffres des organisations de défense des droits de l’homme ; 180 290 personnes victimes d’assassinats sélectifs, dont 77 854 groupes paramilitaires et 7 063 agents de l’État sont responsables ; 4 279 massacres ayant laissé un bilan de 24. 837 victimes, 6 201 victimes du génocide de l’Union Patriotique entre 1984 et 2002, 4153 personnes assassinées, enlevées ou disparues de force et 2049 survivants de menaces, de tentatives d’homicide, de torture, de violence sexuelle, de détention arbitraire, d’exil ; 723 actes de violation des droits de l’homme contre le mouvement politique ¡A Luchar!, génocide perpétré sur 529 personnes, 260 victimes d’assassinats, d’exécutions extrajudiciaires et 80 cas de disparition forcée.
Dans tout ce qui précède, il y a un énorme manque d’informations, les chiffres peuvent augmenter à mesure que l’élucidation de ces crimes progressent. Nous connaissons beaucoup de ces chiffres grâce aux enquêtes des organisations de défense des droits de l’homme, des victimes et des rapports du Centre National de la Mémoire Historique publiés sous l’administration précédente, mais nous sommes convaincus qu’il reste des vérités et des questions à résoudre : pourquoi, comment, avec quels intérêts, sous quelle politique, dans quel but. Qui a donné l’ordre ?
Quatre ans et quatre mois après la signature de l’accord de paix final, les discours et les pratiques guerrières ont été reconfigurés et servent de carburant à l’exacerbation de la violence dans les territoires, attaquant le mode de vie des communautés et réduisant au silence, presque quotidiennement, la voix des leaders sociaux qui travaillent dur pour faire de la paix une réalité.
Dans cette radiographie, l’État a été l’un des principaux responsables des chiffres et continue d’être celui qui perpétue le génocide politique continu dans notre pays, preuve en est les 76 massacres, dans lesquels 292 personnes ont été tuées, dont 6 filles et 18 garçons, comme l’a révélé ce mardi (23.02.2021) le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans son rapport annuel. Parmi les victimes, on compte 23 femmes, 6 filles, 18 garçons, 7 indigènes et 10 afro-descendants. 2020 est l’année avec le plus grand nombre de victimes enregistré depuis 2014.
Ces rapports inquiétants ont été portés à l’attention de l’État colombien, ainsi qu’à des organismes internationaux de vérification des droits de l’homme par les organisations de victimes et de défense des droits de l’homme, ce qui a engendré de nouvelles menaces pour nos vies. Nous avons la preuve qu’une politique de négation des crimes d’État et de dissimulation de la vérité persiste, ce qui est confirmé par l’impunité la plus accablante et nous voyons avec inquiétude comment elle est exacerbée alors que certains progrès sont réalisés dans la clarification de ce qui s’est passé.
Ce gouvernement n’a pas cessé d’entraver les pouvoirs du Système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition (SIVJRNR), ce qui implique : l’impunité, l’absence de vérité et l’impossibilité de construire des garanties de non-répétition. Nous sommes préoccupés par le fait que le parti au pouvoir et ses sympathisants, qui prétendent parler au nom des victimes, sont ceux qui encouragent des actions qui ne visent qu’à perpétuer l’impunité et à favoriser les agents de l’État responsables de graves violations des Droits de l’Homme. Un exemple de cela, mentionné par le Movice à de nombreuses reprises, est l’actuel directeur du Centre national de la mémoire historique (CNMH) et certains fonctionnaires récemment nommés dans cette institution et d’autres institutions de l’État.
En outre, nous assistons actuellement à l’existence d’un pacte de silence entre les agents de l’État, orchestré par le Fonds technique spécialisé de défense des membres de la force publique (FONDETEC), dont l’objectif est de continuer à dissimuler les faits et les circonstances entourant les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées et, ainsi, de protéger la responsabilité des hauts commandants militaires et des soi-disant tiers, impliqués dans ces graves violations des Droits de l’Homme.
Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée Nationale pour la Dignité des Victimes de Crimes d’État, nous voulons des réponses et nous exigeons la vérité pleine et entière sur les principaux responsables de la violence d’État. Nous exigeons la fin du génocide politique dans notre pays et nous demandons à la justice d’agir objectivement car PERSONNE N’EST AU-DESSUS DE LA LOI.
Le Movice et la société colombienne ne cesseront de demander « qui a donné l’ordre ? »
Nous sommes une graine, nous sommes la mémoire, nous sommes le soleil qui renaît face à l’impunité.
Nous sommes le Mouvement National des Victimes de Crimes d’Etat (MOVICE).
Source : CJL
Traduction : FAL 33
La Corporation Juridique Liberté (CJL) est une organisation non gouvernementale créée en 1993 dans la ville de Medellin – Colombie, dédiée à la défense et à la promotion des Droits de l’Homme (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux et droits des personnes) dans les départements d’Antioquia et de Chocó.
Elle accompagne les communautés, les organisations sociales et les individus dans la promotion et la défense des droits de l’homme et des peuples, dans la délégitimation des pratiques autoritaires, dans la formation de sujets politiques et dans la transformation des relations sociales, politiques et économiques injustes qui prévalent en Colombie.