Amérique latine : des coups et des projecteurs
JEAN-EUSTACHE : Le cinéma d’art et d’essai accueille, à partir de ce soir, la 36e édition des Rencontres du cinéma latino-américain, sur la thématique des « femmes en lutte ».
À celles et ceux qui ne prennent bien pas la mesure ou ignorent tout des violences quotidiennes subies par les femmes latino-américaines, Gloria Vergez, la présidente de l’antenne bordelaise de l’association France Amérique latine, a des histoires bien tristes à raconter. Notamment celle de Barta Caceres, cette militante écologiste indigène assassinée au Honduras en 2016 pour s’être opposée à la construction d’un barrage en bas de chez elle. Celle encore de Marielle Franco, conseillère municipale de Rio à la peau noire, tuée en plein centre-ville de la mégapole brésilienne, sans oublier les féminicides non médiatisés qui, avec les Caraïbes, ont valu au continent sud-américain de recevoir le qualificatif de « plus violent du monde », par la Banque interaméricaine de développement (BID), l’année dernière.
Une dégradation
C’est dans ce contexte que s’ouvriront ce soir (20 heures), au cinéma Jean-Eustache, les 36es Rencontres du cinéma latino-américain organisées par l’antenne bordelaise de l’association France Amérique latine. Une nouvelle édition consacrée aux femmes et aux luttes qu’elles mènent, que ce soit sur le plan social, politique ou économique.
« Depuis une quinzaine d’années, on remarque qu’il y a de nouvelles formes de luttes et d’organisation des femmes. Avec le repositionnement des États-Unis et les ingérences en Amérique latine, la situation des femmes s’est beaucoup dégradée alors qu’elle avait progressé à la fin des années 90 et dans les années 2000. On est en train de repartir vers des situations plus compliquées », résume Gloria Vergez, la présidente de l’association, qui œuvre dans le domaine de la culture et de la solidarité, en essayant le plus et le mieux possible de montrer cette partie de la planète sous un autre angle, moins sombre.
Quoi de mieux que la lumière du projecteur d’une salle de cinéma d’art et d’essai pour éclairer les esprits ? « Le cinéma a pour vocation de montrer, de poser des questions, d’échanger, de faire rencontrer les gens et de réfléchir », rappelle Gloria Vergez. Comme le nom de la manifestation le rappelle, c’est aussi et avant tout du cinéma latino-américain, que l’on ne voit pas toujours dans les salles obscures françaises alors qu’il mériterait d’être davantage mis en avant selon certains cinéphiles connaisseurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’association du Festival international du film d’histoire (FIFH) a décidé de consacrer la prochaine édition de son événement automnal à l’Amérique latine. L’équipe du cinéma et celle de France Amérique latine se sont d’ailleurs déjà rapprochées pour en discuter.
Documentaires et fictions
En guise d’aperçu, les spectateurs auront le choix entre 18 films, fictions et documentaires, inédits ou non, pendant les Rencontres du cinéma latino-américain. Il sera notamment question du rôle des femmes dans la révolution cubaine, de leur emprisonnement durant la dictature uruguayenne, de paysannes au Brésil, de femmes politiques, des migrations et d’autres thèmes faisant largement écho à l’actualité sud-américaine.
Autant de séances qui susciteront sûrement des échanges passionnants au Jean-Eustache, où l’on pourra aussi croiser des classes venues assister à, voir une exposition de photos prises dans les Andes ou encore des planches graphiques réalisées par une artiste mexicaine.
Samedi après-midi, à 16 h 45, le Jean-Eustache accueillera une table ronde sur le thème « Venezuela : épicentre de la lutte pour la paix et la souveraineté en Amérique latine versus Les nouvelles formes d’ingérences des États-Unis ». Un temps d’échange qui fera lui aussi écho à l’actualité de ce pays de 31 millions d’habitants, en proie actuellement à une crise politique majeure, celle-ci étant marquée par le bras de fer que se livrent le président Nicolas Maduro (réélu en janvier) et son opposant Juan Gaido, qui s’est autoproclamé président de la République. Quatre intervenants et spécialistes interviendront durant la table ronde : l’écrivain et journaliste Maurice Lemoine, Yolimar Mejias, ingénieure industrielle vénézuélienne et membre de la Brigade internationaliste du MST, l’écrivain et philosophe argentin Dardo Scavino ainsi que le géographe brésilien Denir De Oliveira.